Après la pandémie de SARS Covid-19, la guerre actuellement en cours en Ukraine entraîne de nouvelles perturbations des relations commerciales internationales.

L’explosion des coûts de l’énergie et des matières premières vient remettre en cause l’équilibre économique des chaînes d’approvisionnement.

Face à ces incertitudes, les fournisseurs et sous-traitants sont appelés à s’interroger sur les possibilités d’adapter leurs contrats soumis au droit allemand à la nouvelle donne internationale.

Les instruments contractuels.

La première étape est de regarder le contenu du contrat. Contient-il des clauses permettant à une des parties d’obtenir son adaptation en cas de changement de circonstances?

Certains contrats contiennent des clauses dites de « hardship » inspirées de la pratique contractuelle anglo-saxonne. Ce type de clause donne généralement à une partie le droit de demander une renégociation du contrat si son équilibre économique est perturbé par la survenue d’un évènement extérieur.

En cas d’échec des négociations, les clauses de hardship prévoient la possibilité de résilier le contrat ou de demander son adaptation par les tribunaux.

Le contrat peut aussi contenir des mécanismes de revues régulières des prix ou encore des clauses d’indexation sur un indice de référence.

En l’absence de solution contractuelle, la partie souhaitant obtenir une révision des prix peut également se tourner directement vers son cocontractant et compter sur sa bonne volonté.

En pratique cependant, en particulier dans le secteur automobile, les possibilités de renégociation du contrat sont très limitées. Le fournisseur se voit appliquer les conditions générales du constructeur qui lui sont souvent peu favorables et qui imposent des prix fixes sur toute la durée d’un projet déterminé.

Dans ce cas, la partie affectée peut invoquer le § 313 du Code civil allemand (BGB) si les conditions sont remplies.

La révision pour imprévision du § 313 BGB.

Le § 313 octroie un droit de révision pour imprévision aux parties. Ce paragraphe a largement inspiré les rédacteurs de l’article 1195 du Code civil ayant introduit la révision pour imprévision dans le droit français à l’occasion de la réforme du droit des obligations en 2016.

Les conditions d’application du § 313 sont cependant très restrictives. Ce paragraphe s’applique dans le cas où un changement des conditions formant la base du contrat est intervenu. Il faut pouvoir démontrer que les parties n’auraient pas conclu le contrat ou l’auraient conclu à des conditions différentes si elles avaient pu anticiper le changement de circonstances. Enfin, il faut qu’il ne puisse pas être raisonnablement attendu de la partie affectée qu’elle continue à exécuter le contrat tout en tenant compte de la répartition des risques prévue par les parties dans le contrat.

Il ne suffit pas, par exemple, que le contrat ne soit plus profitable pour une des parties. Il est considéré par la jurisprudence que le vendeur porte les risques liés à la volatilité des coûts de production. Le bénéfice du § 313 n’est en réalité accordé que dans des cas extrêmes qui rendent l’exécution du contrat insoutenable pour la partie affectée.

Si les conditions sont considérées comme remplies, la partie affectée a le droit de demander à son cocontractant l’adaptation du contrat. De manière subsidiaire, un droit de résiliation est accordé lorsque cette adaptation est impossible ou déraisonnable. La priorité reste cependant le maintien de la relation contractuelle. Ainsi, si les négociations entre les parties échouent, le § 313 prévoit la possibilité de demander l’adaptation judiciaire du contrat.

En cas de refus d’adapter le contrat par l’une des parties, la jurisprudence accorde cependant parfois un droit de résiliation pour raison importante (wichtiger Grund) en application du § 314 BGB.

Conclusion.

Si l’économie de vos contrats soumis aux droit allemand est affectée directement ou indirectement par la guerre en Ukraine, reportez-vous tout d’abord aux mécanismes contractuellement prévus et tournez-vous vers vos partenaires commerciaux pour engager des négociations.

En cas d’échec, il faudra alors faire une appréciation in concreto de la situation afin de déterminer si les conditions d’application du § 313 BGB sont remplies. La guerre en Ukraine et le bouleversement du marché mondial créent des situations parfois intenables pour certains acteurs qui pourront alors peut-être bénéficier des dispositions du § 313 BGB.


Blandine Orthmann, LL.M. conseille des entreprises nationales et internationales, notamment de l'espace francophone. Elle conseille également dans les litiges internationaux liés à des intérêts en France et en Allemagne.